Intervention d’une rescapée de la raffle du Vel d’Hiv

 

Intervention de Madame Testyler Arlette une rescapée de la rafle du Vel d’Hiv qui devant 200 élèves. Elèves filles et garçons sans compter les professeurs (Mmes Kacob, Thery, Vermeulen) qui ont été ému jusqu’aux larmes. Le nouveau préfet , M. Anthmane ABOUBACAR, est venu écouter MmeTESTYLER. 

 

À l’heure où tous les lycéens présents ce mercredi 17 avril au lycée Jean-Bouin doivent encore construire leur histoire, Arlette Testyler n’a pas eu besoin de le faire.

À l’invitation de Paloma Vermeulen, professeur documentaliste de l’établissement, des lycéens du lycée Jean-Bouin et du lycée Condorcet ont écouté Arlette Testyler. Et ont touché l’Histoire qu’ils étudient dans leur livre en classe.

Enseigner la rafle du Vel’d’Hiv’ est délicat. La prendre en pleine figure, c’est autre chose.

Arlette Testyler est venue raconter comment elle a vécu l’exclusion, la stigmatisation, jusqu’à l’horreur le 16 juillet 1942 en étant embarqué de force par la police française au vélodrome d’hiver à Paris, dans ce qui restera comme la plus importante rafle de la Seconde Guerre mondiale en France. Simplement parce qu’elle était juive, et alors qu’elle n’avait que 9 ans.

Quatre autres familles juives vivaient dans l’immeuble, le plus jeune enfant avait 3 ans.

Arlette Testyle

« Je n’étais pas une petite fille très sage », commence-t-elle pour détendre l’atmosphère qui deviendra plus pesante au fil de son récit. Les premières lois anti-juives qui réquisitionnent les ateliers de fourrures de son père, les premières privations, spoliations. Jusqu’aux premières arrestations. Le 14 mai 1941, son père est victime de l’arrestation dite du « billet vert ». « Il est convoqué par la police pour se faire recenser, ma mère avait un pressentiment. Il s’y est rendu en disant, « qu’est-ce que je risque dans la France de Voltaire, de Zola, de Rousseau ? », c’étaient ses dernières paroles. Il est resté au camp de Pithiviers jusqu’à fin 1941 avant de partir par le convoi n°4 pour Auschwitz. Nous avons cru qu’il était parti travailler en Allemagne », raconte-t-elle.

Le début d’une escalade dramatique qui atteint son paroxysme le 16 juillet 1942 avec plus de 16 000 personnes arrêtées à Paris, « alors que les Allemands n’avaient pas demandé de prendre les enfants, fait remarquer Arlette. À 6 heures du matin, on frappe à la porte, deux policiers recherchent mon père. Ma mère répond qu’il a déjà été arrêté. Alors les policiers disent que c’est nous qu’ils viennent chercher. Quatre autres familles juives vivaient dans l’immeuble, le plus jeune enfant avait 3 ans. »

Cachée par des gens modestes

Après avoir été entassées dans des bus, Arlette, sa sœur, sa mère et sa grand-mère sont entassées au Vélodrome d’Hiver où elles vivent l’horreur. « On n’avait pas d’eau, pas de nourriture, des gens se suicidaient, se mutilaient avec des aiguilles à tricoter dans l’espoir d’être rapatriés dans les hôpitaux, mais personne ne sera rapatrié. »

Arlette et sa famille restent plusieurs jours au vélodrome avant de partir pour le camp d’internement de Beaune-la-Rolande. Grâce à un subterfuge de sa mère, elle parvient à s’enfuir avec sa sœur. Les deux jeunes filles seront emmenées à Vendôme en Touraine, où elles seront cachées jusqu’à la fin de la guerre par un couple modeste, avec la peur omniprésente d’être de nouveau raflée.

Si elle continue de témoigner alors qu’elle touche les 90 ans, c’est avant tout pour exorciser quelque chose qui la hante depuis 80 ans. « Le plus dur c’est que je culpabilise tout le temps, dit-elle. Pourquoi mes petits amis ne sont pas revenus ? Pourquoi mon père tellement français n’est pas revenu ? » La maturité qu’elle atteint rapidement par la force des événements l’a aidé à reconstruire sa vie. « Je n’ai pas eu d’enfance, déclare-t-elle aux lycéens. Je suis passée directement de la petite enfance à l’âge adulte. » Et si elle évoque son histoire, ce n’est pas pour faire un cours d’histoire, mais pour ne pas oublier celles et ceux qui ont partagé son enfance. « Si je ne le fais pas, ces familles mourront une deuxième fois. »